Jour inondable par la Folie Kilomètre et le pOlau – une exploration urbaine

Il était une fois l'inondation par le pOlau et la Folie Kilomètre

Appréhender la notion du risque inondation par des performances artistiques et urbaines, c’est le pari qu’ont fait le pOlau et la Folie Kilomètre avec Jour Inondable.

Jour Inondable : 24h dans la peau d’un tourangeau sous l’eau

Un groupe de 110 participants ainsi que de nombreux acteurs ont embarqué pour une expérience inédite les 6 et 7 Octobre 2012. Ils ont suivi un parcours urbain et artistique de 24h qui mêle différents regards sur le risque inondation.

La dramaturgie est au coeur de cette création. Les inondés ont évolué dans un scénario composé de 6 chapitres et un prologue. Le fleuve en personne, point sensible, prévisions intuitives, à l’écoute de la montée des eaux, la ville boit la tasse et qui l’eut crue sont les titres de ces actes. Le Road Book, guide poétique d’une randonnée insolite dans la Ville de Tours, en était le script.

Ces 24 h ont été rythmées par 18 actions diverses comprenant des spectacles, installations, déambulations, mises en situation. Dormir dans un dortoir d’urgence aménagé dans un gymnase, envoyer des cartes postales à sa famille, visiter le musée des objets sauvés, assister au plateau d’une radio d’urgence ou profiter du ballet de la ville englouti sont des exemples d’expériences sensorielles que les participants ont vécu.

Appréhender le risque par le sensible

Notre cerveau est ainsi fait, il est difficile de prendre des décisions, ou de changer de culture sans expérience émotionnelle. Etienne Koechlin, directeur du laboratoire des neurosciences cognitives, explique le fonctionnement du processus de décision dans la vidéo de Datagueule sur le réchauffement climatique.

Une prise de décision efficace résulte de l’interaction entre deux systèmes, le cognitif et l’émotionnel. Le premier permet d’anticiper les conséquences d’un phénomène, de se projeter dans l’avenir mais demande beaucoup d’énergie et favorise les habitudes afin de limiter les ressources nécessaires. Le deuxième est rapide et permet des choix intuitifs.

Dans la notion de risques urbains tels que le risque inondation comme dans le réchauffement climatique, il est pourtant difficile d’appréhender ou de ressentir les conséquences d’une crue centennale ou de la montée de la température et donc d’avoir cette expérience émotionnelle. L’appréhension d’un changement ou d’une catastrophe devient très complexe face aux habitudes forgées par le système cognitif et la prise de décision en pâtit.

Jour Inondable proposait d’expérimenter avec ses cinq sens une inondation à Tours, la dernière crue centennale de la Loire ayant cependant eu lieu au XIX siècle. La révision du Plan de Prévention des Risques Inondation était en cours. Si les aménageurs maîtrisent la prévision du risque ou l’organisation administrative et logistique de l’évacuation à prévoir, ils peinent à améliorer la culture du risque et à favoriser une sensibilisation de la population, sensibilisation nécessaire pour une gestion optimale de la catastrophe. Les comportements de la population étant fondamentaux dans une évacuation ou la gestion de la catastrophe.

Jour Inondable n’avait pas pour objectif de « faire croire » à une inondation mais de mettre un groupe d’individus en situation de catastrophe, afin de vivre la solidarité et les réflexions qui en découlent.

David Goutx, racontait lors d’une journée de retour sur la sensibilisation aux risques urbains, que sa participation à l’évènement lui a permis de se penser, se connaître dans une expérience personnelle et collective face au risque. Cette mise en scène permet de créer une mémoire sensorielle de conséquences possibles de manière poétique afin de pouvoir continuer à vivre dans les lieux touchés sans angoisse, mais de bénéficier d’une bibliothèque de ressentis pour agir plus justement lors d’une catastrophe de ce type.

Le pOlau et la Folie Kilomètre un partenariat à l’origine du projet

Si l’évènement était ponctuel, il n’a eu lieu qu’une fois en Octobre 2012, le le projet s’est élaboré dans la durée. Il résulte d’une commande du pOlau à La Folie Kilomètre. Le pOlau, pôles des Arts Urbains, est un pôle de recherche et d’expérimentation sur les arts et la ville. Son objectif est de créer des outils permettant la mise en relation de démarches artistiques avec des projets urbains. Plan guide arts et aménagement du territoire, études urbaines, résidences d’artistes, ses projets sont multiples. La Folie Kilomètre est un collectif marseillais de 8 personnes aux profils et parcours divers et sinueux. Leurs performances mélangent spectacle vivant, arts plastiques et territoires.

Le pOlau a étudié la relation du fleuve avec la ville. Il créa l’Atelier Loire, un atelier de prospective artistique et urbaine et a pu tester une première mise en scène de la Folie Kilomètre sur la notion de risque en 2011 dans le cadre de la Ville Gazeuse, évènement sur 3 jours organisé par le pOlau à Tours.

Plusieurs résidences, de multiples rencontres entre le collectif et des acteurs du territoire lié au risque inondation, ainsi qu’une année de préparation ont été nécessaires à la réalisation de Jour Inondable.

L’évènement a été salué par les participants comme les chercheurs qui étudient cette notion de risque.  Une journée de retour a été organisée le 23 Mai 2013 afin de faire dialoguer des spécialistes de l’environnement, des arts et du territoire sur leurs pratiques en termes de sensibilisation aux risques. Un objectif était d’étudier la réplication possible de cet évènement dans d’autres territoires.

D’une mise en alerte à la reconnaissance du monde des possibles

Cet évènement résonne avec la fabrique de la ville et la difficulté de percevoir les processus vertueux ou négatifs, mais aussi la difficulté de chacun de percevoir le monde des possibles et de se libérer afin d’imaginer un autrement.

Des évènements sensoriels pourraient être valorisés afin d’alerter des processus peu visibles tels que la désertification des sols, la gentrification, la consommation des surfaces agricoles, … afin de les mettre en débat et permettre une meilleure appropriation des questions urbaines et des espaces publics.

Un autre intérêt que je vois dans cette démarche est la capacité de faire se projeter des usagers, décideurs, aménageurs dans le monde des possibles au-delà de la réalité et ce que l’on voit tout en intégrant des dynamiques complexes. Ce mode de pensée est difficile à faire émerger et pourtant le point de départ de toute démarche de projet.

En savoir +

Le pOlau

La Folie kilomètre

Un article sur la Folie Kilomètre par Strabic.fr

Le reportage photo de l’évènement

Le film 2 Degrés avant la fin du monde de Datagueule